samedi 3 décembre 2016

Mésaventures, nouvelle version

Eh oui ! Ce roman historique est l'un de mes livres que je tente de sauver après son infortune entre les mains de la, soi-disant, maison d'édition "7 écrit". 
Cette nouvelle version qui a doublé le volume du manuscrit original, a été confiée à des éditions au Québec.
Attention ! Toutes ventes, s'inscrivant en ce moment sur des sites ou autres sous la publication de "7 écrit", sont illégales.

Adhamh et Ron vivent leur enfance au milieu de l'Écosse mouvementée du XVIIIème siècle. Le premier est le fils du chef et laird d'un petit clan. Un clan où le second y est considéré, de par une particularité physique, comme le représentant de Satan.
Au fil des ans, l'épopée de ces deux Highlanders va leur faire croiser le chemin de Katherine, une lady élevée, elle, au centre de la noblesse anglaise.

Et nous ne parlerons point de la croisée des routes, par tous ces héros, avec un… Non. Il y a des surprises qu'il vaut mieux garder secret. Restons patients en attendant réponse.
Mais, au cours de ce mois, je vous laisse à votre lecture des premiers chapitres, de cette version inédites, et vous souhaite de…

Image libre de droits, présentée sur le site Pixabay


Des passages peuvent heurter la sensibilité
de certains lecteurs.

Retrouvez les notes du texte (numéro entre parenthèses) 
en cliquant dessus.


Partie I

1721, Alba (1)




Chapitre I
Pròis (2)


— Adhamh MacSorley. Ne fais pas un pas de plus.
Bon sang ! Ce n’est jamais bon quand sa maman emploie son prénom et nom, à la suite, pour l’interpeller. Le garçonnet se fige, mais ne se retourne face à la souveraineté. Oui. Malgré sa petite taille, sa génitrice a un autoritarisme que quiconque, même son mari, ne sait contrer. Alors, lui, de son mètre quatorze, que peut-il y faire ? De plus, bien que sa minceur et son fin visage la fassent paraître telle une jeune femme de seize ans bien qu’elle en a déjà vingt-trois, Maggie MacSorley arbore un port naturellement noble obligeant le respect. Un respect totalement encré dans l’éducation du juvénile Écossais.
— Bien le bonjour, Maggie. Comment va mon rayon de soleil de cette fin d’après-midi ?
Les longs et épais cheveux roux bouclés de la lumineuse déesse, juste retenus par un ruban, font ressortir sa peau albâtre et ses yeux marron légèrement étirés. Certes, ce ne peut être qu’une vénusté pour tout regard mâle la croisant. Seulement ces séducteurs ne sont les fils de cette Aphrodite des Highlands, eux.
— Il brûle de mécontentement et est prêt à s’enflammer, Aodhán. Aussi, veux-tu bien m’excuser, mais j’ai une affaire familiale importante à régler, avant le dîner.
Non. Les séduits ne sont ses progénitures. Adhamh, si. Le garçon de six ans soupire. Son honneur d’Écossais l’a obligé à affronter une multitude d’aléas, ce jour. Franchement, il aurait mieux fait de rester couché, ce matin. M’enfin… Rompu à ses désagréments, le fier Highlander se décide à se retourner, pour subir, comme il se doit, les récriminations maternelles.
— Mais regarde-moi ça ! Tes vêtements sont tous… Crotté de porcelet dont le cuir va ressortir à vif d’un maternel bain ! (3) Et qu’as-tu fait à ta chemise ?
— Ron disait que…
La voix timide se raffermit.
— Il fallait bien que je montre ce dont un membre de la famille MacSorley est capable.
L’enfant, menton fièrement relevé, a calé ses poings sur les hanches afin de grandir sa notoriété masculine. Autant paraître plus sûr de soi qu’il en est, en faisant front à un regard de plus mauvais augure qu’il soit et s’étrécissant, à cette seconde, en deux fentes menaçantes.
— Pour ma chemise, eh bien… Mph ! C’est pas facile d’être un homme, à notre époque.
Ses jeunes épaules s’affaissent de dépit. Les larmes commencent à brouiller sa vue. Cette chemise, Adhamh l’adorait. Aujourd’hui, il l’a mise contre le gré de sa mère, la lui ayant confectionnée pour les grands jours. Tout cela pour montrer à Sàra Macdonald qu’il peut être aussi bien mis que son rival. Et, à présent, il le regrette amèrement. Qu’y a-t-il gagné ? Le tissu d’un blanc immaculé est terni de boue. Un accroc descend du haut de son épaule jusqu’au coude. Un autre dévoilerait ostensiblement son jeune thorax si les dentelles du col, retenues juste par un fil au vêtement, ne descendaient entre les deux pans. Son beau vêtement est irrécupérable, et le futur adulte est à deux doigts de ne plus croire à la sensualité des…
— Pourquoi les femmes comprennent jamais rien ?
Maggie, adoucie par la tristesse soudaine de son fils, lui sourit tendrement.
— Mon pauvre Adhamh. Je ne connais aucune femme pouvant comprendre les hommes et…
— Je ferai plus de sacrifice pour elles alors. Plus jamais.
Aodhán étant resté en témoin de la scène, l’enfant court se réfugier contre sa chère maman pour, fierté oblige, dissimuler ses larmes. Il s’accroche à elle, laissant le trop-plein des flots couler sur ses joues. Un compréhensif « mph » du spectateur retentit tandis que ce dernier s’éclipse discrètement. Adhamh ne peut que remercier mentalement la compassion du Highlander, car une totale détresse l’envahit tout entier. Le jeune garçon vient de réaliser que sa vie est dorénavant vouée à un célibat forcé, à cause de l’insensibilité féminine. Décidément, ses mésaventures d’aujourd’hui lui coûtent cher.
— Fichues femelles sans… sans cœur !
Une main se pose, en une caresse, sur sa tête tandis qu’un bras réconfortant l’enlace. Ce que le papa du désespéré est chanceux d’avoir trouvé cette rareté de l’impitoyable gent. Pourquoi n’existe-t-il une telle exception de son temps ? C’est une affectueuse épouse comme sa maman qu’il faut à Adhamh. Une dulcinée dotée de ce diabolique caractère mi-ange mi-démon.
— Je… Je… Ma chemise…
Les sanglots de son désarroi étouffent tous ses mots.
— Tu devras attendre que les hommes reviennent de la ville. Je t’en ferai une autre avec le tissu restant acheté pour celle de ton père.
Ah, Maggie ! Toutes les dames devraient être modelées dans ce moule. Aimantes, un zest impétueuses, mais sachant réconforter et, surtout, connaissant la couture comme pas deux.
— Quant aux femmes…
— Je… Je…
Le sourire de la mère compatit.
— Un jour, tu trouveras ta moitié. Et, à cet instant, toutes tes mésaventures de cette journée te sembleront moindres, Adhamh.




Chapitre II
Ceannard, athair (4)


Papa (5) ?
Il est de coutume, dans ce cottage, qu’une bêtise soit confessée à tout membre adulte de la famille y habitant. Et Adhamh doit, à présent, référer de la sienne à Calum MacSorley. Malgré sa réputation, dans tout le clan, de chef d’une grande mansuétude et sagesse, l’homme n’en prodigue pas moins une dure autorité en son sein. Ce qui impressionne jusqu’à son unique enfant. Aussi, celui-ci a-t-il retardé au maximum l’échéance de son aveu. Mais, la soirée étant bien avancée, le coupable, poussé par un persuasif regard de sa génitrice, a pris son courage à deux mains. Après tout, il est de la famille de… Le garçon déglutit. Les yeux couleur nuit de son père le fixent gravement. Le feu de l’âtre y reflète telles des flammes de l’enfer.
L’Écossais lorgne, comme il se doit, son garnement à la peau rougie d’un énergique récurage maternel. L’homme est, de taille, l’un des plus grands du village. Sa carrure et sa prestance imposent la considération. Des cheveux sombres descendent souplement jusqu’au début de son dos, aussi musculeux que le reste du corps. Son turbulent fils restant muet, le Highlander l’incite à en admettre plus, par cette interjection typique des hautes terres.
— Mph ?
La bouche enfantine s’entrouvre, hésite et, enfin…
— Tu sais ce qui s’est passé aujourd’hui ?
— Ta mère m’en a touché deux mots.
Le garçonnet soupire de soulagement. En fin de compte, il n’aura rien à dire de plus. Il offre, à la figure paternelle, un large sourire en remerciement de sa bienveillance sur cette affaire si promptement conclue. Grâce au ciel !
— Toutefois…
Et zut ! Décidément, avec son père, il ne faut jamais crier victoire trop vite. Le jeune faciès en affiche des traits graves de circonstance.
— …j’aimerais connaître tous les faits.
Sur ce, Calum va s’asseoir sur son fauteuil en bois, près du feu. Installé comme il se doit, il tape sa large et grande main sur sa cuisse, aux muscles proéminents, en une invite.
L’enfant inspire un grand coup. Il n’a plus le choix. Il se dirige vers le lieu indiqué et y grimpe lestement. La chaleur du corps du chef et laird transparaît jusqu’à lui, se mêlant à sa propre température montée en flèche depuis son assise. Son cœur tambourine son thorax. Adhamh cherche les mots adéquats pour en finir, en peu de temps, avec ce mauvais moment à passer. L’inculpé fixe ses propres doigts s’entremêlant avec nervosité. Et puis, pourquoi se sent-il coupable d’abord ? Après tout, il n’a eu de torts. Pourtant sa juvénile voix reste timide quand…
— Ron m’a défié et…
L’adulte toussote, coupant court le résumé de cette infantile épopée. Son garçon, bien qu’encore jeune, sait être rusé lorsqu’il s’agit d’éviter un risque de punition. Néanmoins, lui, il se servait de cette même compétence, jadis, face à son propre paternel. C’est pourquoi…
— Quand je dis tout, c’est tout.
Le petit se renfrogne. Mais sa fierté l’empêche de reculer.
— Hier, je me suis rendu chez Sàra Macdonald pour savoir si elle voulait venir goûter à la maison. Elle m’avait dit qu’elle serait seule chez elle et qu’elle risquait de s’ennuyer. Alors, en tant que fils de chef, il était hors de question de laisser un membre du clan avoir le « pourdon ».
MacSorley sourit intérieurement. Non seulement son rejeton a toujours une bonne raison de faire les choses, mais son vocabulaire excentrique, recherché d’on ne sait où dans ce minuscule cerveau, transforme ses péripéties en des mésaventures rocambolesques.
— Et alors ? Ce terrible « bourdon », a-t-il disparu ?
— Eh bien, je le pense. Du moins c’est ce qui paraissait. Car c’est à peine si elle a daigné me regarder. Cette « mam’zelle » était bien plus qu’occupée. Et tu sais avec qui ?
L’homme n’a le temps ni de poser la question, ni de corriger l’écossais rudimentaire de son fils.
— Avec Ron. Oui, papa. Ce dévergondé de faux frère de Ron Henderson.
Le laird empreint une figure d’occurrence. Il fronce les sourcils.
— Qu’est-ce à dire ?
— Que cette jeune femme aime les damoiseaux sachant bomber le torse et « conter sa fleur » et toute autre ânerie de ce genre. Voilà.
Cette fois, Calum se mord la lèvre pour retenir un fou rire. Son rejeton a le franc-parler de sa française de grand-mère. En outre, il a hérité de son caractère.
Papa. Ton fils a été trompé, humilié même.
Le jeune MacSorley a redressé son dos, arborant un air, à la fois, fier et outragé de victime.
— Trompé ? Humilié ?
— Oui. C’est pour ça que, aujourd’hui, j’avais décidé de prouver à ce galant que j’en avais autant à en exposer que lui, et à la belle qu’elle se trompait de bonhomme.
— La chemise neuve…
— Ben, tu comprends ? Elle met en valeur mes épaules musclées.
Le garçonnet reluque de chaque côté de son cou, afin d’authentifier ses dires. Et, pour ne laisser son père dans la perplexité, il plie son bras, fermant son poing, tout en tâtant son petit biceps ainsi durci.
— Mph. D’accord. Ton corps commence à se modeler.
Un sourire satisfait, sur le visage enfantin, s’élargit à la confirmation de l’adulte. Puis, subitement, le jeune faciès semble soucieux. Baissant les yeux, fronçant les sourcils à son tour, Adhamh jette un œil avisé à l’échancrure de son entrecuisse.
— Dis ? Tu as remarqué qu’elles ont grossi, ces derniers temps ? Le père de Ron lui a dit qu’il en avait une bonne paire, lui, pour son âge. En plus, Ron m’a confié que, par moments, son zizi montait tout seul.
L’homme plaque sa main sur les yeux, en suppliant une aide de…
— Ô mes aïeux.
Enfin il souffle brièvement, reprenant de ce fait son aplomb et inspiration.
— Mph ! Ron est plus vieux que toi. Et, tu sais, il vaut mieux prendre son temps pour ces choses-là.
— Mais, papa, si je compte me marier dès mes seize ans, donc dans six ans, mes formes doivent commencer à « s’épa’ouir ». C’est ce que les femmes aiment. Et c’est d’ailleurs pour cela que les hommes se « déve’oppent » plus vite que les dames.
L’enfant croise les bras sur son torse encore maigrichon, ponctuant ainsi sa tirade.
L’adulte, lui, grogne. Comment leur conversation a pu dévier sur l’avenir erroné de son galopin ? Et pourquoi c’est à lui que revient la laborieuse tâche de remettre les idées claires dans ce fabuliste cervelet ? Son rôle de père est décidément plus ardu que celui de chef et laird. Heureusement, depuis que sa progéniture sait marcher, Calum a vite appris à remédier à certaines de ses frasques et à corriger, au passage, ses erreurs grammaticales et mathématiques.
— Premièrement. De six à seize, il y a dix années à attendre et non six. Il est temps que tu t’améliores en calcul, fils. Deuzio. Tu ne te marieras pas avant tes dix-huit ans révolus. Alors tes formes ont tout le temps et de « s’épanouir » et de se « développer ». Et tertio. Sache que ce sont les femmes qui sont plus précoces que nous, et ce en tout. Toutefois si ta future est plus attirée par ton physique que ton esprit, c’est qu’elle ne te mérite pas.
— Mais Sàra Macdonald me mérite pas.
La surprise de l’homme est telle qu’il en devient curieux.
— Vraiment ? Que s’est-il passé ?
— Oh ! Ma tenue a fait de l’effet. Toutes les jeunes « mam’zelles » se retournaient pour m’admirer. Tu aurais vu ça !
Les doigts de MacSorley serrent l’accoudoir. Avoir vu cela ? Son garçon a eu plutôt de la chance qu’aucun des pères de ces innocentes fillettes ne soit témoin de cette parade. Ces derniers, alertés par ce tiers, l’auraient certainement fustigé d’un regard annihilant toute envie perverse dans son cerveau de préadolescent en rut. D’ailleurs, lui-même aurait eu quelques légitimes réclamations de ces paternels, le mettant dans une position plus que litigieuse. L’enfant, semblant lire ses pensées, souligne vite que…
— Mais t’en fais pas. J’ai pas fait le moindre geste vers ces filles. Non. Je me suis avancé droit sur Sàra.
Baissant la voix, l’idole continue.
— Ses yeux verts me scrutaient. J’ai presque cru un moment que j’en avais oublié de mettre mon tartan (6) tant elle me portait de l’intérêt.
Le chef de clan connaît les sentiments d’Adhamh pour cette petite d’un an plus âgée que son fils. Il est vrai que la demoiselle fera des ravages, plus tard. Sa beauté est peu commune.
— Bref. J’arrivais à quelques pas d’elle, quand Ron me prit à partie. Apparemment, il n’avait guère apprécié que la belle détourne son attention de sa personne.
— C’est humain.
— Mph. Peut-être. Mais est-ce ma faute si mon corps est si bien fait et plaît aux femmes ?
Calum fixe le plancher. Il tient à garder son sérieux jusqu’à la fin du récit.
— Ron a mis en cause mon courage et m’a provoqué. Et, comme il est « impensale » que je me laisse traiter de lâche, j’ai accepté le défi.
— En effet, il était « impensable » que tu n’en fasses autrement.
À son affirmation, l’Écossais sent son rejeton se détendre complètement.
— Alors ? Ce défi ?
— Mph ! Rien peut me faire peur. Après tout, je suis un MacSorley, fils de chef. Nous nous sommes rendus à l’enclos. Là, Ron m’a demandé de prouver ma bravoure en montant le nouvel étalon de son père.
L’homme pâlit. L’enfant, pris dans son histoire, ne s’en aperçoit.
— Je suis monté à cru sur la bête. Mais, voilà, je sais pas ce qui lui a pris, le cheval s’est aussitôt cabré et mis au triple galop. Il a sauté par-dessus la barrière et a continué comme un fou jusque dans la forêt. J’avais beau tenter de le calmer, comme tu m’as appris, rien y faisait. Les branches me cognaient et m’ont même griffé. Et puis, l’étalon m’a jeté à terre. Ou, plutôt, dans un buisson. C’est là que les autres m’ont retrouvé. Ron était en fureur. Je me sortais juste des fougères lorsqu’il m’a poussé dans une flaque de boue. Il m’a dit que tout ça était ma faute. Qu’à cause de moi, il allait recevoir la raclée de sa vie. Eh bien, sa raclée, c’est moi qui la lui ai donnée. Je lui ai envoyé mon poing sur la tronche. Et, comme il en disait encore, j’ai cogné là où ça fait mal. Ça l’a arrêté tout net. Ainsi je me tournai vers la « mam’zelle » Macdonald en pensant, à juste titre, que j’allais enfin en avoir une récompense. Après avoir vécu tout ça, je le méritais. Eh bien, non ! La belle, au lieu de me sauter au cou…
Adhamh serre ses mâchoires, faisant ressortir son ossature carrée identique à celle de son père. La colère, l’incompréhension à la réaction de la jeune fille, le fait enrager.
— Sàra m’a traité de fou. Les femmes sont insensées. Je venais de braver un monstre, de mettre K.-O. un jaloux. Je souffrais de coupures, et ma plus belle chemise était fichue. Et, elle, elle a même pas daigné regarder mes blessures. Non. Après m’avoir dit qu’elle n’aimait guère les « fanfa’ons », elle a placé le bras de Ron, toujours plié en deux, sur ses épaules et l’a raccompagné, me laissant dans mon sang.
La figure enfantine présente une soudaine indécision.
— Dire que je sais même pas ce qu’est un « fanfa’on ».
— Un « fanfaron » est un garçon qui cherche à se faire tuer pour des bêtises.
Le jeune Écossais se raidit. Il pourrait en jurer, la voix grave de l’homme a sifflé entre des dents serrées, ne présageant rien de bon. Pourtant Adhamh n’a rien fait de mal cette fois, puisque tout est la faute de Henderson. Abruptement, il est soulevé et posé debout, face au fauteuil. L’incompris n’ose même plus lever les yeux sur son père commençant à gronder.
— Que tu veuilles faire le beau, soit. Que tu perdes une chemise pour une histoire d’honneur, passe encore. Mais que tu en risques de te rompre le cou sur un étalon non dressé et ne t’appartenant même pas, c’est non.
En criant cette dernière phrase, le chef s’est redressé. Il surplombe sa seule progéniture, de toute sa hauteur. Toutefois, sentant que la peur domine son emportement, Calum inspire profondément afin de reprendre contenance. Enfin il pose un genou à terre. Et, plus serein…
— Adhamh. Seall orm, Adhamh. (7)
Ce dernier se décide à relever, timidement, son regard.
— Promets-moi de ne plus faire les choses sans réfléchir aux conséquences.
— Mais j’avais pas le choix ! Et mon honneur ?
— Son honneur, un homme le porte dans son cœur et non dans sa mort.
L’Écossais a haussé la voix. Fermant le poing, il se ressaisit aussitôt.
— Tu ne savais pas que l’étalon n’avait jamais été monté ?
— Non.
— Toutefois tu savais que prendre un cheval, n’étant pas tien, pouvait être interprété comme un vol, n’est-ce pas ?
Les yeux du garçon s’écarquillent d’appréhension.
— Ron… Ron était là. Le cheval est à son père, mais puisque c’est Ron qui m’a dit…
— Fils. Ron n’a aucun droit sur l’étalon, car il n’appartient pas à son père. Angus en a juste la garde le temps de le dompter.
La bouche de l’enfant s’ouvre d’effroi. Va-t-on le punir ? La sentence pour les voleurs de chevaux est…
— Je veux pas mourir !
Adhamh se blottit, instantanément, contre son papa, cherchant la sécurité que ce large torse lui procure depuis toujours.
Abasourdi par cette subite réaction, l’homme reste interdit quelque temps. Puis, entourant de ses bras le petit corps tremblant de sanglots…
— Tu ne vas pas mourir.
— Mais… Mais tu vas être obligé de… de me tuer parce que tu es le chef et que… et que j’ai monté ce cheval… même si je savais pas que je… je l’avais volé.
Les pleurs devenant de plus en plus forts, l’Écossais soulève son fils. Il s’assoit, de nouveau, dans son siège, berçant l’enfant cramponné à sa chemise.
— Adhamh. Ce que je veux que tu comprennes, c’est qu’il ne faut jamais prendre, même pour une question d’honneur, le bien des autres membres du clan. Et, surtout, je ne veux pas que tu te fasses tuer ou que tu risques ta vie pour des broutilles. Je sais que tu es encore trop jeune pour comprendre, mais…
— Je te pro… o… mets.
Des hoquets n’arrêtent de secouer le garçonnet, sans qu’il puisse les stopper. Une main tiède et apaisante se pose sur sa joue. La voix douce de sa maman retentit à son oreille.
— Il aurait pu t’arriver malheur, aujourd’hui, comme pour le frère de ton papa. Tu connais pourtant son histoire.
Malcom était l’aîné de Calum. À l’époque, une semblable mésaventure a signé son trépas. Ainsi, pour une fille et une question d’honneur juvénile, un enfantillage, il est monté sur une jument sauvage. Lui, par contre, n’a atterri dans les fougères comme Adhamh. Il a été jeté sur la roche. Sa nuque s’est brisée, net. Malcom, le fils destiné à être chef et laird, est mort à l’âge de dix ans. Le petit corps inerte a marqué à jamais le jeune frère, témoin de l’accident sans rien pouvoir y faire. À ce souvenir d’impuissance à protéger chaque seconde ceux qu’il aime, Calum enserre fermement son fils.
— Ne fais plus jamais ça. Plus jamais !
— Ja… a… mais.
Son rejeton est encore jeune. Toutefois il est de ces êtres tenant leurs promesses. Aussi, à l’affirmation chaotique, le Highlander se détend.
— Allez. Calme-toi, Adhamh.
Au bout de longues minutes, les sanglots s’atténuent enfin. Le chef et père s’en décide à continuer la leçon.
— Demain, tu iras voir comment va Ron. Des frères ne devraient jamais se quereller. Et certainement pas restés fâchés longtemps. Pas pour une femme.
S’ensuit la punition.
— Puis tu aideras Angus à rattraper l’étalon, s’il n’est pas revenu. Et ce, même si tu dois passer des jours à le chercher.
— Ou…Oui.
L’homme sent son fils près de se laisser emporter par la fatigue d’après larmes. Les hoquets du chagrin ballottent par intermittence, de la tête aux pieds, le jeune corps épuisé et s’alourdissant entre les bras de l’Écossais.
— Enfin tu pousseras jusqu’à la maison de Sàra. Cela serait dommage qu’elle reste sur une mauvaise impression de ton courage.
— Mmph…



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